Repenser l’économie

Notre modèle économique actuel est essentiellement linéaire, c’est-à-dire que l’on exploite les ressources, on les transforme, on les consomme, et on les jette. Nous utilisons tous des ressources naturelles pour subvenir à nos besoins. Mais avons-nous réellement besoin de tous ces objets que nous possédons? Est-ce que l’on doit à tout prix avoir une croissance économique, linéaire, à l’infini ? Avoir une telle croissance signifie que l’on continue à exploiter les ressources naturelles pour augmenter notre richesse. C’est avec le PIB, le produit intérieur brut, que l’on mesure la croissance économique d’un pays, qui est associée au niveau de vie de ses habitants. Cela signifie donc que plus on exploite les ressources, plus le PIB augmente, plus il y a croissance économique, et donc, plus notre niveau de vie devrait augmenter. Mais est-ce vraiment le cas? Désirons-nous plutôt augmenter notre qualité de vie? 

D’autres avenues s’offrent à nous, tels que l’économie circulaire qui présente l’économie collaborative comme l’une de ses stratégies. On parle aussi de l’économie du beigne comme nouveau courant , dans laquelle on prend davantage en considération l’exploitation des ressources ainsi que la qualité de vie des gens. 

L’économie circulaire

Selon la définition du Pôle québécois de concertation sur l’économie circulaire, l’économie circulaire se définit comme un « système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités » . 

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? En premier lieu, il s’agit de repenser nos modes de production et de consommation pour consommer moins de ressources. C’est là qu’intervient la consommation responsable, par exemple, pour réduire à la source. En deuxième lieu, il faut optimiser les ressources qui sont déjà en circulation en utilisant les produits plus fréquemment, en prolongeant leur durée de vie ou en leur donnant une nouvelle vie. Par exemple, on peut partager des biens entre plusieurs personnes, louer plutôt qu’acheter, réparer nos objets, les donner à nos proches ou encore, les récupérer lorsqu’ils ne sont plus utilisables pour qu’ils soient recyclés. 

Dans le rapport sur l’Indice de circularité de l’économie du Québec, réalisé par RECYC-QUÉBEC et l’organisme Circle Economy , on apprend que l’économie au Québec est circulaire à 3,5 %. Ce qui signifie que chaque année, 96,5% des ressources qu’on utilise ne sont pas circulaires, elles sont issues des matières premières vierges. Aussi, il faut savoir qu’on utilise une très grande quantité de matières premières pour faire rouler notre économie, soit près de 271 millions de tonnes, qui équivaut à 32 tonnes par personne. Vous pouvez faire un calcul plus précis, mais on peut dire que 32 tonnes équivalent à environ 400 à 500 fois notre poids. Aussi, quand on réalise que toutes ces ressources proviennent directement de nos sols, notre eau ou de nos forêts, on peut imaginer l’impact immense que notre consommation peut avoir sur notre environnement et notre biodiversité. 

Que l’on parle d’économie de partage, collaborative, ou d’économie de fonctionnalité, ces stratégies d’économie circulaire partent toutes d’un même principe : celui de voir l’économie dans une boucle infinie d’éléments qui se renouvellent, se transforment, se régénèrent et se recyclent. Ainsi, dans cette forme d’économie, le déchet n’est pas vu comme tel, mais plutôt comme une ressource, et tous les efforts sont mis en place pour éviter le gaspillage. 

L’économie circulaire en alimentation, à quoi cela peut ressembler?

Il existe moult initiatives locales, notamment en alimentation, qui ont trouvé une façon de boucler la boucle, en utilisant les déchets d’autres producteurs ou entreprises, afin de créer leurs produits. À Carleton, en Gaspésie, une entreprise génère du moût de fraise, qui devient un des ingrédients dans la fabrication d’une bière aux fraises d’une autre entreprise. La drêche de cette bière, qui contient encore beaucoup de protéines après cette utilisation, mais rendue inutile au producteur de bière après cette étape, est récupérée par un agriculteur, qui la sert à ses animaux. Un boulanger l’utilise aussi dans la fabrication de son pain. C’est l’un des sujets du documentaire Tes déchets, ma richesse, de la réalisatrice Karina Marceau. Ces producteurs ont trouvé une utilité à leurs résidus, après avoir constaté l’ampleur de ce qu’ils produisaient comme déchets, ou ont recherché une ressource qui permettrait de réduire leurs coûts, économiques ou environnementaux. 

Si le modèle d’économie circulaire vise à réduire les intrants de matières premières vierges, il est tout de même axé sur la croissance. C’est-à-dire que malgré le fait que nous consommions des biens issus de l’économie circulaire, nous continuons à contribuer à la transformation de la matière (recyclage), la fabrication et le transport des biens matériels que nous consommons. Il faut éviter de tomber dans le piège de la bonne conscience! On peut se questionner sur le type d’économie auquel on veut contribuer. 

L‘économie collaborative ou de partage : un exemple de stratégie d’économie circulaire!

Et si l’on adhérait à un modèle qui réduit tout simplement notre consommation? On éviterait ainsi d’ajouter des matières premières, ou secondaires (matières recyclées) dans notre calcul de tonnes de matières consommées par année! En modifiant notre rapport aux objets, dans un modèle d’économie de partage ou collaborative, on contribue à l’essor d’organisations qui travaillent à favoriser les échanges et le partage de biens et services tels les bibliothèques d’outils, les boîtes de partage de livres, les frigos communautaires, auto et vélo partage, espaces de création et de travail partagés, les initiatives se multiplient au Québec. 

Si tous les ménages qui possèdent une voiture (ou deux!) décident de l’échanger pour une voiture électrique, il y aura tout de même des embouteillages à l’heure de pointe. Les nouvelles technologies, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour opérer un vrai changement. 

Nous avons l’habitude de posséder tous les objets dont nous n’avons besoin qu’à l’occasion. C’est pourquoi il est difficile de s’imaginer que nous pouvons tout simplement partager des objets, comme les outils, voitures, remorques, etc. plutôt que de les emprunter à nos voisins ou les louer. Pourtant, nous empruntons des livres à la bibliothèque et les retournons une fois lus! Pourquoi ne pas faire de même avec la perceuse et la tondeuse à gazon? Bien sûr, c’est un gros changement dans nos habitudes de devoir choisir sa plage horaire pour pouvoir percer un trou dans un mur de notre maison. Mais avec la panoplie d’options qui s’offrent à nous (le Partage clubLa Remisel’Atelier La Patente) en plus des espaces où l’on peut utiliser des outils sans les ramener chez nous (Les AffutésLa Remisel’Atelier La Patente), nous pouvons repenser nos façons de faire et trouver des moyens de réduire notre consommation. 

L’économie du beigne : un nouveau courant 

Dans son livre La théorie du donut : l’économie de demain en 7 principesKate Raworth propose un modèle de développement économique inclusif et durable, qui doit se situer à l’intérieur des limites environnementales de la planète, tout en s’assurant que tous les habitants de la terre peuvent répondre minimalement à leurs besoins de base. 

Dans ce modèle, on ne calcule plus la croissance à l’aide d’indicateur comme le PIB. Notre planète ne peut pas supporter une croissance à l’infini. Nous le voyons déjà avec le calcul du jour de dépassement, calculé par Global Footprint Network, qui représente le jour où nous dépassons les limites des ressources disponibles de la planète pour l’année. Celui-ci survient de plus en plus tôt chaque année. Il est passé du 25 décembre en 1971, au 28 juillet en 2022. C’est très tôt, considérant que plusieurs habitants sur la planète se situent encore sous le plancher social, identifié par l’économiste Kate Raworth dans son modèle du beigne. En effet, l’eau potable, l’éducation et l’égalité des sexes ne sont pas accessibles pour tous, pour ne nommer que ces critères. Et à l’autre bout du spectre, plusieurs riches millionnaires se déplacent en jet privé sans compter tout le carbone que leurs avions produisent. 

Et ensuite…

Ces différents modèles économiques sont muables. Ils évoluent avec le temps, et avec les différents courant de pensées. Il n’y a pas si longtemps, on parlait surtout de développement durable. Le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques le défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. » Bien que ce mode de développement soit mis en place depuis plusieurs années, il existe encore des inégalités sociales et nous subissons des problèmes liés aux changements climatiques. 

Aujourd’hui, on parle de plus en plus d’économie circulaire. Cependant, il faut tout de même se questionner sur nos besoins et notre mode de consommation. Dans une capsule explicative de l’économie circulaire du ministère de l’Environnement et Changement climatique du Canada, on dit que « rien de ce qui est fait devient du gaspillage ». Toutefois, la transformation de toutes ces matières nécessite de l’énergie, et nécessitera à coup sûr de nouvelles matières pour fabriquer certains des objets qui seront fait à partir d’éléments ou d’énergie recyclée. 

Ce qu’il faut retenir, c’est que peu importe le modèle économique en place, nous devons continuer à réfléchir sur ce que sont nos besoins réels. Plus nous porterons attention à ce que nous consommons, moins nous aurons besoin de matières premières, et moins nous produirons de déchets.